Au cours des dernières années, l’offre de formation aux enjeux écologiques s’est étoffée, répondant à une demande accrue des citoyens, des entreprises privées et des institutions publiques.
Régis Briday, chercheur chez Koncilio
En octobre 2022, l’ambition de former l’ensemble des agents de la fonction publique d’ici à 2027 a été lancée. Dans le même temps, la littérature scientifique sur l’offre de formation à l’écologie est faible. Il pourrait être intéressant d’investir dans des programmes de recherche avec l’espoir de rendre cette offre plus efficace.
En particulier, il serait intéressant d’analyser l’impact des ateliers dits de « sensibilisation ». Délivrés à de petits groupes (de 10-15 personnes, typiquement) sur une demi-journée, ceux-ci sont pensés pour permettre à un large public de se saisir des grands enjeux écologiques de manière ludique et collaborative. À l’image de la Fresque du Climat, ils connaissent un grand succès depuis trois ou quatre ans.
Repartons du Plan de formation à l’écologie dans la fonction publique. Dans la première phase de son déploiement (en cours, auprès des 25 000 hauts fonctionnaires), le premier module repose sur trois ateliers de sensibilisation aux grands enjeux écologiques (climat, biodiversité et ressources), et il est très vraisemblable que ce type d’atelier demeurera au centre du plan dans ses phases ultérieures.
En tant qu’historien des sciences de formation et chercheur et formateur au sein de Koncilio, je vois d’un bon œil la diffusion de ce type de médiation scientifique à grande échelle. J’adhère a priori à l’idée que la diffusion de connaissances scientifiques robustes puisse avoir des effets bénéfiques sur la vitalité démocratique (à eux seuls, les agents publics représentent 5,6 millions de citoyens). Cependant, aucune étude ne permet de démontrer la validité d’une telle intuition.
Par ailleurs, la capacité des ateliers de sensibilisation à faire évoluer les pratiques écologiques quotidiennes des individus et des collectifs demeure limitée (même si, là encore, nous appelons de nos vœux de nouvelles études pour mieux documenter ce point). Les animateurs et le public de ces ateliers pointent souvent du doigt le manque de temps à consacrer à la sensibilisation et la formation.
Une demi-journée n’est, en effet, pas suffisante pour exiger des ateliers de sensibilisation une adaptation sur-mesure aux caractéristiques spécifiques des participants, des territoires et des institutions. Il en reste une excellente première approche du sujet pour les néophytes. Ainsi, il serait pertinent d’allonger la durée de ces formations, ou encore de poursuivre l’invention de nouveaux ateliers alternatifs ou complémentaires aux ateliers de sensibilisation, qui s’adressent non plus à un public « universel » comme le font ces derniers, mais se donnent comme point de départ des contraintes subjectives, sociales et territoriales.
Plusieurs organismes de formation, dont Koncilio, proposent aujourd’hui ce type d’ateliers : Fresque du numérique, Fresque de la mobilité, Fresque du facteur humain, Identifier les biais cognitifs, ateliers des solutions fondées sur la nature, ateliers de l’adaptation au changement climatique, Fresque de l’économie circulaire, etc. D’autre part, il faut développer des parcours de formation plus complets, qui font se succéder différents types d’ateliers à intervalles raisonnés. Ceci semble particulièrement pertinent dans le monde professionnel.
Parallèlement à ce déploiement de formations, un rigoureux travail d’évaluation qualitative et quantitative doit être mis en œuvre, notamment à l’aide de questionnaires d’enquête et d’entretiens. Un tel programme de recherche(-action) est nécessairement analytique et prospectif. Koncilio y contribue à travers ses deux projets de recherche, ÉVEILS et ÉVOLUTIONS, qui portent respectivement sur les collectivités territoriales et les entreprises privées (En savoir plus).
Ceux-ci évaluent les effets d’ateliers « classiques » de sensibilisation, d’une part, et, d’autre part, les impacts d’ateliers plus ciblés, qui doivent susciter la réflexion des participants au sujet de leurs barrières psychologiques et sociales, des spécificités de leur métier et de leur institution, ainsi que des particularités de leur territoire.
J’encourage évidemment ce type d’études systématiques adossées à des programmes de formation, à la fois dans la recherche publique, privée et publique-privée. Par ailleurs, la combinaison de plusieurs champs disciplinaires – sciences de l’éducation et de la formation, psychologie et sociologie des pratiques environnementales, sociologie des organisations, géographie, analyse des politiques publiques – me paraît indispensable.