Une agriculture bas carbone, résiliente et prospère : le rapport du Shift Project
L'agriculture française est aujourd'hui confrontée à un tournant décisif. Ce secteur stratégique est essentiel non seulement pour la sécurité alimentaire, mais également pour réussir la transition écologique.
Le dernier rapport du Shift Project sur l'agriculture
Depuis plus de 14 ans, The Shift Project œuvre à éclairer les chemins de la décarbonation dans de nombreux secteurs économiques. Le think tank a récemment publié un rapport pour guider la transformation vers une agriculture bas carbone, résiliente et prospère. Cet article présente les principaux enjeux et recommandations issus de cette analyse ambitieuse, avec l'objectif de sensibiliser et mobiliser l'ensemble des parties prenantes.
1. L’agriculture en France en 2024 : une situation critique
Des superficies agricoles en déclin
Le secteur agricole français occupe actuellement 26,9 millions d’hectares, soit près de la moitié de la surface totale du pays. Toutefois, cette superficie est en déclin constant, affectée par la pression urbaine et la conversion des terres agricoles en forêts ou espaces naturels. Les terres agricoles sont grignotées chaque année par l'extension des zones résidentielles et industrielles, aggravant ainsi la perte d'espace pour l'agriculture. Parallèlement, les exploitations agricoles sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus grandes, reflétant une spécialisation accrue du secteur. Aujourd'hui, environ 80 % de la production est assurée par de grandes exploitations, tandis que les plus petites luttent pour subsister. Ce phénomène entraîne une concentration des moyens de production qui réduit la capacité d'innovation et de résilience des petites fermes, pourtant essentielles au maintien de la diversité agricole et à la stabilité du tissu rural.
Les petites exploitations jouent un rôle crucial dans la préservation des savoir-faire locaux, la gestion durable des terres, et la création d'emplois en milieu rural. Leur disparition progressive est donc non seulement un défi économique mais aussi un enjeu social, qui touche à l'identité même de nombreux territoires ruraux.
Perte de diversité et vulnérabilité accrue des systèmes agricoles
Les dynamiques actuelles montrent également une perte progressive de diversité au sein des systèmes agricoles. Les grandes exploitations se spécialisent souvent dans des cultures intensives, conduisant à une réduction des paysages agricoles variés qui constituaient jadis un atout majeur de l’agriculture française. Cette homogénéisation des paysages agraires entraîne une vulnérabilité accrue face aux aléas climatiques et sanitaires, alors que des monocultures deviennent plus sensibles aux ravageurs et aux maladies. Une agriculture moins diversifiée est moins capable de s'adapter aux imprévus, qu'ils soient liés au climat, aux maladies ou à la volatilité des prix. Cette perte de diversité compromet également la résilience globale du système alimentaire français, qui se retrouve dépendant d'un nombre restreint de cultures pour subvenir aux besoins de la population.
Par ailleurs, l'érosion de la diversité des pratiques agricoles affaiblit la capacité du secteur à innover pour faire face aux nouvelles contraintes environnementales et économiques. Les pratiques traditionnelles et diversifiées qui permettent de renforcer la résilience des sols et des écosystèmes disparaissent au profit de pratiques standardisées, souvent plus fragiles et moins durables. Restaurer cette diversité est une nécessité pour garantir une agriculture à la fois productive et résiliente.
Dépendance aux énergies fossiles
Outre ces évolutions structurelles, l'agriculture est également devenue fortement dépendante des énergies fossiles, qu'il s'agisse des carburants pour les tracteurs ou des intrants comme les engrais azotés. Cette dépendance pose de véritables problèmes dans le contexte actuel de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. En effet, une hausse continue des coûts de l’énergie affecte directement la viabilité économique de nombreuses exploitations. Les petites fermes, notamment celles pratiquant l'agriculture biologique, sont les plus vulnérables, car elles peinent à absorber ces coûts croissants sans ajustements significatifs de leur production. De plus, cette dépendance énergétique limite les options des agriculteurs pour diversifier leurs pratiques, car les intrants deviennent un poste de dépense difficilement compressible.
Cette situation rend urgente l'adoption de pratiques agricoles moins dépendantes des énergies fossiles. La diversification des sources d'énergie, le recours aux énergies renouvelables et la réduction des intrants énergivores constituent des pistes à explorer pour renforcer la durabilité du secteur.
Transmission des exploitations agricoles : un défi majeur
La question de la transmission des exploitations agricoles est un autre défi majeur. De nombreuses fermes peinent à trouver des repreneurs en raison de la difficulté des conditions de travail, des faibles revenus et du manque d'attractivité des métiers agricoles. La transmission est particulièrement problématique dans les zones rurales reculées, où les jeunes sont souvent tentés par d'autres opportunités professionnelles plus rentables et moins contraignantes. La pérennité de l’agriculture familiale, longtemps pilier de l’agriculture française, est aujourd’hui remise en cause par ces difficultés structurelles.
Le manque de repreneurs entraîne souvent l'abandon ou le regroupement des terres, accentuant la concentration de la production et la perte de la diversité agricole. Cette situation rend nécessaire un soutien accru aux jeunes agriculteurs, que ce soit en termes d'accès à la terre, de formation ou de financements. Encourager l'installation de jeunes agriculteurs est essentiel pour renouveler les générations et insuffler une nouvelle dynamique dans le secteur. Les initiatives locales visant à faciliter la transmission des terres et à promouvoir la coopération entre agriculteurs expérimentés et jeunes porteurs de projets doivent être renforcées.
2. Les contraintes physiques : énergie, climat et ressources
Dépendance aux énergies fossiles et impacts sur les sols
Le rapport de The Shift Project souligne la fragilité du système agricole actuel. La dépendance de l'agriculture aux énergies fossiles est devenue l'un de ses talons d'Achille. En effet, l’usage d’engrais azotés minéraux et de machines agricoles énergivores a contribué à rendre les exploitations vulnérables face aux variations des prix de l’énergie et aux crises énergétiques. Par ailleurs, l'utilisation croissante de produits phytosanitaires, combinée à la spécialisation des cultures, a fragilisé les sols et appauvri la biodiversité. Cette utilisation excessive des produits chimiques, en plus de ses impacts négatifs sur la qualité de l'eau et des sols, contribue également à la diminution des populations d'insectes pollinisateurs, essentiels pour de nombreuses cultures.
Les insectes pollinisateurs, comme les abeilles, jouent un rôle fondamental dans la productivité agricole. Leur déclin affecte directement les rendements de cultures telles que les fruits et légumes, menaçant la sécurité alimentaire et la diversité de l'offre agricole. Pour sortir de cette dépendance aux énergies fossiles, une approche globale est nécessaire, incluant à la fois des solutions techniques, organisationnelles et un changement de paradigme vers une agriculture plus agroécologique.
Dégradation de la qualité des sols
La qualité des sols constitue une préoccupation croissante. Les pratiques agricoles intensives ont conduit à une érosion des sols, à une diminution de la matière organique et à une dégradation de leur structure. La monoculture, en particulier, a réduit la fertilité des sols, les rendant moins aptes à retenir l'eau et les nutriments nécessaires aux plantes. L'usage massif des engrais et pesticides a également eu des conséquences néfastes sur les écosystèmes aquatiques, contribuant à la pollution des nappes phréatiques et des rivières. Cette dégradation de la qualité des sols et des ressources en eau met en péril non seulement la production agricole actuelle, mais aussi la durabilité des systèmes alimentaires pour les générations futures.
Pour pallier cette dégradation, il est essentiel de promouvoir des techniques de régénération des sols, telles que le semis direct sous couverture végétale ou l'intégration des cultures légumineuses dans les rotations. Ces pratiques permettent de restaurer la matière organique, d'améliorer la structure des sols, et de renforcer la résilience des terres face aux événements climatiques extrêmes. Une meilleure gestion des sols est donc une priorité absolue pour garantir la productivité et la pérennité de l'agriculture.
Impact du changement climatique sur l'agriculture
Le changement climatique impose des conditions nouvelles, marquées par des événements extrêmes plus fréquents (sécheresses, canicules, inondations) qui menacent les rendements agricoles. Cette situation met en lumière la nécessité de repenser l’agriculture pour qu’elle devienne résiliente et moins dépendante des ressources fossiles. Les épisodes de sécheresse prolongée, comme ceux observés ces dernières années, ont particulièrement mis en évidence la vulnérabilité des systèmes agricoles qui dépendent fortement de l'irrigation. Dans certaines régions, la baisse des rendements de certaines cultures emblématiques, telles que le blé ou le maïs, a atteint des niveaux critiques, entraînant une perte de revenus substantielle pour de nombreux agriculteurs.
De plus, les périodes de chaleur excessive affectent également la qualité des récoltes, diminuant la valeur nutritionnelle des cultures et augmentant les pertes post-récolte. Face à ces défis, il est indispensable de développer des systèmes agricoles capables de s'adapter aux nouvelles conditions climatiques, par exemple en choisissant des variétés de cultures plus résistantes à la sécheresse et en diversifiant les systèmes de production.
Conséquences du changement climatique sur l'élevage
Les impacts du changement climatique ne se limitent pas aux sols et aux cultures. L’élevage est également affecté par les variations climatiques, notamment par la réduction des pâturages disponibles et la diminution de la qualité nutritionnelle de l’herbe, ce qui force les éleveurs à acheter davantage de fourrage, souvent importé à des prix élevés. Cela fragilise encore davantage la rentabilité des exploitations d’élevage déjà confrontées à des marges réduites. La hausse des températures a également des effets directs sur la santé et la productivité des animaux, augmentant les risques de maladies et diminuant les rendements de production de lait ou de viande.
Les éleveurs doivent désormais investir davantage dans la gestion des abris et des systèmes de refroidissement pour assurer le bien-être animal, ce qui alourdit leurs charges et complique la rentabilité économique de leur activité. Le développement de systèmes de pâturage rationalisés, qui optimisent l'utilisation des ressources en herbe, constitue un levier important pour améliorer la résilience des systèmes d'élevage.
3. Les leviers de transformation du système agricole
Pour répondre à ces défis, plusieurs leviers de transformation sont envisagés. The Shift Project propose une stratégie basée sur la fertilisation sobre et durable, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et la décarbonation de l'énergie utilisée dans les exploitations. Voici les principaux axes à retenir :
Optimisation de la fertilisation et stockage de carbone dans les sols
Réduction de l’impact des engrais chimiques
Pour réduire l’impact des engrais chimiques, le rapport recommande une optimisation de l’usage des fertilisants, en favorisant l’azote organique et en évitant le gaspillage. L’objectif est de préserver les stocks de carbone dans les sols et de renforcer les pratiques agroécologiques, telles que l’agroforesterie, afin de mieux capter le carbone atmosphérique. La transition vers des engrais d'origine biologique, tels que le compost ou les lisiers, est également encouragée pour réduire la dépendance aux engrais de synthèse et limiter l'impact environnemental.
En complément, l'utilisation de capteurs connectés et de systèmes d'aide à la décision permet d'ajuster au plus près les doses d'engrais appliquées, réduisant ainsi le gaspillage et les émissions. Ces outils technologiques permettent une agriculture plus précise, respectueuse de l'environnement et économiquement viable.
Agroforesterie et restauration de la biodiversité
L’agroforesterie, qui consiste à intégrer des arbres dans les parcelles agricoles, est mise en avant comme une solution pour restaurer la biodiversité, protéger les sols de l’érosion, et améliorer le stockage de carbone. Par ailleurs, des pratiques telles que les cultures de couverture et la rotation des cultures peuvent aider à améliorer la structure du sol et à maintenir sa fertilité. L’introduction de haies et de bandes enherbées le long des parcelles contribue également à la protection contre l’érosion et à la création d’habitats pour la faune, favorisant ainsi un écosystème agricole plus équilibré et résilient.
L’agroforesterie permet également de diversifier les revenus des agriculteurs, par la production de bois d’œuvre, de fruits, ou de biomasse énergétique. En renforçant la biodiversité et en protégeant les sols, cette pratique apporte une réponse concrète aux défis environnementaux tout en améliorant la viabilité économique des exploitations.
Adoption de nouvelles technologies
L’optimisation de la fertilisation passe également par l’adoption de nouvelles technologies, telles que la gestion de la fertilisation par capteurs et la cartographie des sols. Ces technologies permettent de doser précisément les apports en fonction des besoins des cultures, limitant ainsi le gaspillage et réduisant l’impact environnemental. Le développement de biofertilisants à partir de matières organiques renouvelables est également une piste à explorer pour diminuer l’usage des engrais de synthèse. Ces biofertilisants pourraient être produits à partir des déchets organiques issus de la ferme, assurant une boucle locale de nutriments qui renforce la durabilité de l'exploitation.
Importance des haies et des prairies permanentes
La préservation des haies, l'entretien des prairies permanentes, et la diversification des cultures sont également des pratiques favorisant le stockage du carbone et la résilience des sols. La préservation des haies contribue non seulement à séquestrer le carbone mais aussi à offrir des habitats pour la faune, favorisant ainsi la biodiversité locale. De plus, des prairies permanentes permettent de maintenir une couverture végétale continue, réduisant l’érosion des sols et améliorant la capacité de stockage en eau. Les prairies offrent aussi un cadre idéal pour la biodiversité floristique, qui à son tour attire une faune bénéfique aux cultures.
Les prairies permanentes sont aussi d'excellents puits de carbone, et leur maintien est essentiel pour contribuer à la lutte contre le changement climatique. Elles jouent un rôle important dans la conservation de la faune locale, offrant un habitat pour de nombreuses espèces animales, y compris des pollinisateurs, des oiseaux et des petits mammifères.
Transition des élevages vers des modèles plus durables
Réduction des émissions de GES
Les élevages, responsables d'une part significative des émissions agricoles de GES, doivent se transformer. Il est question d’adopter des pratiques qui réduisent les émissions méthaniques (par exemple, en adaptant l’alimentation des ruminants) tout en préservant la résilience des systèmes élevages face aux aléas climatiques. L'incorporation de plantes telles que les algues dans l'alimentation des bovins a montré des résultats prometteurs en matière de réduction des émissions de méthane.
Des initiatives pour améliorer la gestion des déjections animales, telles que la méthanisation, permettent non seulement de réduire les émissions de GES, mais aussi de produire une source d'énergie renouvelable directement utilisable sur l'exploitation. Cela permet de renforcer l'autonomie énergétique des fermes et de réduire leur empreinte carbone.
Diversification et optimisation des ressources locales
L’alimentation des animaux peut être optimisée en introduisant des additifs réduisant la fermentation entérique, principale source d’émissions de méthane. Par ailleurs, le rapport encourage une diversification des élevages, avec des systèmes intégrant plus étroitement les cycles végétaux et animaux, permettant ainsi une meilleure utilisation des ressources locales. En diversifiant les types d’élevage et en intégrant des cultures spécifiques pour l’alimentation animale, les exploitations peuvent améliorer leur indépendance vis-à-vis des marchés internationaux et renforcer leur résilience face aux crises.
L'intégration des cultures et des élevages favorise une approche circulaire des ressources, où les déjections animales servent d'engrais naturels pour les cultures, réduisant ainsi le besoin en engrais chimiques et fermant les cycles des nutriments au sein de l'exploitation.
Modèles d’élevage durables
Les modèles d’élevage basés sur la réduction des intrants, le pâturage extensif, et l’utilisation de races rustiques plus adaptées aux variations climatiques sont des leviers de transformation. Ces pratiques permettent de diminuer les besoins en fourrage externe et de réduire la dépendance aux marchés internationaux pour l’alimentation animale. La mise en place de systèmes agroécologiques qui associent cultures et élevages contribue également à augmenter la résilience globale des fermes, tout en améliorant la fertilité des sols et la biodiversité. L'élevage extensif, en privilégiant le pâturage et en réduisant les besoins en aliments concentrés, améliore également le bien-être animal.
Les races rustiques, souvent plus résistantes aux maladies et mieux adaptées aux conditions locales, permettent de réduire l'utilisation de médicaments et d'antibiotiques, contribuant ainsi à une production plus saine et durable.
Gestion durable des pâturages
L'introduction de pratiques de gestion durable des pâturages, telles que la rotation des pâturages, peut accroître la régénération des terres et maximiser l'utilisation des ressources fourragères. Les éleveurs peuvent aussi adopter des pratiques favorisant le bien-être animal, ce qui a un impact positif sur la productivité et la qualité des produits, répondant aux attentes des consommateurs pour des produits éthiques et durables. Le pâturage tournant, en particulier, permet une meilleure régénération des prairies et limite la pression sur les ressources, tout en offrant aux animaux un environnement plus naturel.
Des systèmes de pâturage rationalisés, où les animaux sont déplacés régulièrement entre différentes parcelles, permettent de maintenir des prairies en bonne santé, de favoriser la biodiversité, et de maximiser la productivité des pâturages.
Réduction de la demande énergétique
Transition énergétique des machines agricoles
L’un des points clés de la transition agricole est la réduction de la consommation énergétique directe et indirecte des exploitations. Cela passe par une électrification des engins agricoles, l’optimisation de l’usage des matériels et la généralisation des pratiques d’agriculture de conservation des sols. Le rapport préconise l’investissement dans des machines agricoles électriques ou hybrides et l’adoption de solutions de mécanisation plus légères, permettant de limiter la consommation de carburant. En outre, l'utilisation de biocarburants issus de la biomasse locale peut représenter une alternative intéressante pour certaines machines.
L'optimisation de l'usage des machines, par exemple par le biais de la mutualisation entre exploitants, permet également de réduire les coûts énergétiques tout en augmentant l'efficacité des opérations.
Amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments
La transition énergétique des exploitations ne se limite pas aux machines. Il est également question d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments agricoles, en particulier ceux dédiés à l’élevage, souvent gourmands en énergie. L’installation de panneaux solaires sur les toitures des bâtiments agricoles peut contribuer à rendre les exploitations plus autonomes sur le plan énergétique. Le rapport mentionne également le potentiel de la méthanisation agricole pour valoriser les déchets organiques en énergie renouvelable, contribuant à la réduction des émissions de GES et à l’autonomie énergétique. Ces installations peuvent également être couplées à des systèmes de stockage d’énergie, pour garantir un approvisionnement continu même en cas de faible ensoleillement.
Des techniques d'isolation innovantes, combinées à des systèmes de gestion de la ventilation, permettent de maintenir des conditions optimales dans les bâtiments d’élevage tout en réduisant les besoins en chauffage et en refroidissement.
Optimisation des systèmes de chauffage et surveillance
De plus, l'isolation des bâtiments, la mise en place de systèmes de ventilation naturelle, et l'utilisation de technologies de chauffage plus efficientes sont des solutions pour réduire la consommation énergétique. Ces mesures visent à garantir un environnement optimal pour les animaux tout en réduisant les coûts énergétiques pour les éleveurs. L'usage de drones pour surveiller les cultures et optimiser les interventions peut également aider à réduire la consommation de carburant et à améliorer l'efficacité des travaux agricoles. En optimisant chaque aspect énergétique de la ferme, les exploitations peuvent réduire leurs coûts opérationnels tout en minimisant leur empreinte carbone.
Les capteurs connectés permettent aussi de surveiller en temps réel les conditions climatiques dans les bâtiments, assurant un environnement stable tout en optimisant la consommation énergétique.
Circularité des systèmes agricoles
Reconnexion des productions végétales et animales
Pour plus de durabilité, le rapport préconise une circularité accrue au sein des systèmes agricoles. Cela signifie reconnecter productions végétales et animales à l’échelle des exploitations et des territoires, en relocalisant la production des aliments pour animaux et en utilisant les biodéchets pour boucler les cycles biogéochimiques. Cette approche permet non seulement de diminuer les coûts d’intrants mais aussi de valoriser au maximum les ressources internes des exploitations.
La circularité est au cœur des pratiques agroécologiques, et permet de réduire les pertes et de maximiser l'utilisation de chaque ressource. L'intégration des productions végétales et animales réduit les déchets et améliore l'autonomie des exploitations, tout en renforçant la fertilité des sols.
Valorisation des déjections animales
L’intégration des systèmes végétaux et animaux au sein des mêmes exploitations permet de valoriser les déjections animales comme fertilisants naturels, réduisant ainsi le recours aux engrais chimiques. De plus, la gestion des résidus de cultures et des déchets organiques, via des pratiques telles que le compostage et la méthanisation, permet d’enrichir le sol tout en réduisant les déchets. Ces pratiques circulaires sont essentielles pour rendre le système agricole plus résilient et moins dépendant des ressources externes. Les biodéchets peuvent également être transformés en biogaz, une source d’énergie renouvelable pour les besoins de l’exploitation.
La valorisation des déchets organiques par la méthanisation permet non seulement de produire de l'énergie renouvelable, mais aussi de créer un digestat riche en nutriments, qui peut être utilisé pour améliorer la fertilité des sols.
Réintroduction des légumineuses et recyclage
La réintroduction des légumineuses dans les rotations culturales contribue à enrichir les sols en azote de manière naturelle, tout en réduisant la nécessité d'engrais de synthèse. Ces pratiques favorisent non seulement la fertilité des sols, mais améliorent également la biodiversité, en fournissant des habitats pour les insectes pollinisateurs. Le recyclage des eaux usées pour l’irrigation et la valorisation des coproduits agricoles (comme la paille) sont des approches qui soutiennent la circularité et contribuent à la résilience des systèmes agricoles.
L'utilisation de techniques de phytoépuration pour traiter les eaux usées de l'exploitation représente également une piste innovante et durable, permettant de recycler l'eau localement tout en préservant sa qualité. Cette approche garantit une gestion durable des ressources hydriques, particulièrement essentielle dans le contexte du changement climatique.
Conclusion : un impératif d'action
La transformation de l'agriculture française est une priorité si l'on souhaite préserver la sécurité alimentaire tout en atteignant les objectifs de neutralité carbone. Il s'agit d'un projet ambitieux, nécessitant une mobilisation de l'ensemble des acteurs du secteur et une concertation efficace entre agriculteurs, pouvoirs publics et citoyens. L’agriculture doit cesser d’être un facteur aggravant du changement climatique pour devenir une partie essentielle de la solution.
Les agriculteurs sont les premiers touchés par cette mutation nécessaire, et leur engagement est crucial pour assurer une transition harmonieuse. Soutenir ces acteurs, leur apporter des outils et des solutions concrètes est déterminant pour le succès de cette transformation. L’avenir de l’agriculture française dépend de notre capacité collective à envisager une production alimentaire respectueuse de l’environnement, résiliente face aux crises, et économiquement viable.
Une telle transition ne se fera pas sans investissements conséquents et sans une vision politique claire. Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer en soutenant les pratiques durables à travers leurs choix alimentaires.
Une agriculture bas carbone, résiliente et prospère : le rapport du Shift Project
L'agriculture française est aujourd'hui confrontée à un tournant décisif. Ce secteur stratégique est essentiel non seulement pour la sécurité alimentaire, mais également pour réussir la transition écologique.
Le dernier rapport du Shift Project sur l'agriculture
Depuis plus de 14 ans, The Shift Project œuvre à éclairer les chemins de la décarbonation dans de nombreux secteurs économiques. Le think tank a récemment publié un rapport pour guider la transformation vers une agriculture bas carbone, résiliente et prospère. Cet article présente les principaux enjeux et recommandations issus de cette analyse ambitieuse, avec l'objectif de sensibiliser et mobiliser l'ensemble des parties prenantes.
1. L’agriculture en France en 2024 : une situation critique
Des superficies agricoles en déclin
Le secteur agricole français occupe actuellement 26,9 millions d’hectares, soit près de la moitié de la surface totale du pays. Toutefois, cette superficie est en déclin constant, affectée par la pression urbaine et la conversion des terres agricoles en forêts ou espaces naturels. Les terres agricoles sont grignotées chaque année par l'extension des zones résidentielles et industrielles, aggravant ainsi la perte d'espace pour l'agriculture. Parallèlement, les exploitations agricoles sont de moins en moins nombreuses et de plus en plus grandes, reflétant une spécialisation accrue du secteur. Aujourd'hui, environ 80 % de la production est assurée par de grandes exploitations, tandis que les plus petites luttent pour subsister. Ce phénomène entraîne une concentration des moyens de production qui réduit la capacité d'innovation et de résilience des petites fermes, pourtant essentielles au maintien de la diversité agricole et à la stabilité du tissu rural.
Les petites exploitations jouent un rôle crucial dans la préservation des savoir-faire locaux, la gestion durable des terres, et la création d'emplois en milieu rural. Leur disparition progressive est donc non seulement un défi économique mais aussi un enjeu social, qui touche à l'identité même de nombreux territoires ruraux.
Perte de diversité et vulnérabilité accrue des systèmes agricoles
Les dynamiques actuelles montrent également une perte progressive de diversité au sein des systèmes agricoles. Les grandes exploitations se spécialisent souvent dans des cultures intensives, conduisant à une réduction des paysages agricoles variés qui constituaient jadis un atout majeur de l’agriculture française. Cette homogénéisation des paysages agraires entraîne une vulnérabilité accrue face aux aléas climatiques et sanitaires, alors que des monocultures deviennent plus sensibles aux ravageurs et aux maladies. Une agriculture moins diversifiée est moins capable de s'adapter aux imprévus, qu'ils soient liés au climat, aux maladies ou à la volatilité des prix. Cette perte de diversité compromet également la résilience globale du système alimentaire français, qui se retrouve dépendant d'un nombre restreint de cultures pour subvenir aux besoins de la population.
Par ailleurs, l'érosion de la diversité des pratiques agricoles affaiblit la capacité du secteur à innover pour faire face aux nouvelles contraintes environnementales et économiques. Les pratiques traditionnelles et diversifiées qui permettent de renforcer la résilience des sols et des écosystèmes disparaissent au profit de pratiques standardisées, souvent plus fragiles et moins durables. Restaurer cette diversité est une nécessité pour garantir une agriculture à la fois productive et résiliente.
Dépendance aux énergies fossiles
Outre ces évolutions structurelles, l'agriculture est également devenue fortement dépendante des énergies fossiles, qu'il s'agisse des carburants pour les tracteurs ou des intrants comme les engrais azotés. Cette dépendance pose de véritables problèmes dans le contexte actuel de transition énergétique et de lutte contre le changement climatique. En effet, une hausse continue des coûts de l’énergie affecte directement la viabilité économique de nombreuses exploitations. Les petites fermes, notamment celles pratiquant l'agriculture biologique, sont les plus vulnérables, car elles peinent à absorber ces coûts croissants sans ajustements significatifs de leur production. De plus, cette dépendance énergétique limite les options des agriculteurs pour diversifier leurs pratiques, car les intrants deviennent un poste de dépense difficilement compressible.
Cette situation rend urgente l'adoption de pratiques agricoles moins dépendantes des énergies fossiles. La diversification des sources d'énergie, le recours aux énergies renouvelables et la réduction des intrants énergivores constituent des pistes à explorer pour renforcer la durabilité du secteur.
Transmission des exploitations agricoles : un défi majeur
La question de la transmission des exploitations agricoles est un autre défi majeur. De nombreuses fermes peinent à trouver des repreneurs en raison de la difficulté des conditions de travail, des faibles revenus et du manque d'attractivité des métiers agricoles. La transmission est particulièrement problématique dans les zones rurales reculées, où les jeunes sont souvent tentés par d'autres opportunités professionnelles plus rentables et moins contraignantes. La pérennité de l’agriculture familiale, longtemps pilier de l’agriculture française, est aujourd’hui remise en cause par ces difficultés structurelles.
Le manque de repreneurs entraîne souvent l'abandon ou le regroupement des terres, accentuant la concentration de la production et la perte de la diversité agricole. Cette situation rend nécessaire un soutien accru aux jeunes agriculteurs, que ce soit en termes d'accès à la terre, de formation ou de financements. Encourager l'installation de jeunes agriculteurs est essentiel pour renouveler les générations et insuffler une nouvelle dynamique dans le secteur. Les initiatives locales visant à faciliter la transmission des terres et à promouvoir la coopération entre agriculteurs expérimentés et jeunes porteurs de projets doivent être renforcées.
2. Les contraintes physiques : énergie, climat et ressources
Dépendance aux énergies fossiles et impacts sur les sols
Le rapport de The Shift Project souligne la fragilité du système agricole actuel. La dépendance de l'agriculture aux énergies fossiles est devenue l'un de ses talons d'Achille. En effet, l’usage d’engrais azotés minéraux et de machines agricoles énergivores a contribué à rendre les exploitations vulnérables face aux variations des prix de l’énergie et aux crises énergétiques. Par ailleurs, l'utilisation croissante de produits phytosanitaires, combinée à la spécialisation des cultures, a fragilisé les sols et appauvri la biodiversité. Cette utilisation excessive des produits chimiques, en plus de ses impacts négatifs sur la qualité de l'eau et des sols, contribue également à la diminution des populations d'insectes pollinisateurs, essentiels pour de nombreuses cultures.
Les insectes pollinisateurs, comme les abeilles, jouent un rôle fondamental dans la productivité agricole. Leur déclin affecte directement les rendements de cultures telles que les fruits et légumes, menaçant la sécurité alimentaire et la diversité de l'offre agricole. Pour sortir de cette dépendance aux énergies fossiles, une approche globale est nécessaire, incluant à la fois des solutions techniques, organisationnelles et un changement de paradigme vers une agriculture plus agroécologique.
Dégradation de la qualité des sols
La qualité des sols constitue une préoccupation croissante. Les pratiques agricoles intensives ont conduit à une érosion des sols, à une diminution de la matière organique et à une dégradation de leur structure. La monoculture, en particulier, a réduit la fertilité des sols, les rendant moins aptes à retenir l'eau et les nutriments nécessaires aux plantes. L'usage massif des engrais et pesticides a également eu des conséquences néfastes sur les écosystèmes aquatiques, contribuant à la pollution des nappes phréatiques et des rivières. Cette dégradation de la qualité des sols et des ressources en eau met en péril non seulement la production agricole actuelle, mais aussi la durabilité des systèmes alimentaires pour les générations futures.
Pour pallier cette dégradation, il est essentiel de promouvoir des techniques de régénération des sols, telles que le semis direct sous couverture végétale ou l'intégration des cultures légumineuses dans les rotations. Ces pratiques permettent de restaurer la matière organique, d'améliorer la structure des sols, et de renforcer la résilience des terres face aux événements climatiques extrêmes. Une meilleure gestion des sols est donc une priorité absolue pour garantir la productivité et la pérennité de l'agriculture.
Impact du changement climatique sur l'agriculture
Le changement climatique impose des conditions nouvelles, marquées par des événements extrêmes plus fréquents (sécheresses, canicules, inondations) qui menacent les rendements agricoles. Cette situation met en lumière la nécessité de repenser l’agriculture pour qu’elle devienne résiliente et moins dépendante des ressources fossiles. Les épisodes de sécheresse prolongée, comme ceux observés ces dernières années, ont particulièrement mis en évidence la vulnérabilité des systèmes agricoles qui dépendent fortement de l'irrigation. Dans certaines régions, la baisse des rendements de certaines cultures emblématiques, telles que le blé ou le maïs, a atteint des niveaux critiques, entraînant une perte de revenus substantielle pour de nombreux agriculteurs.
De plus, les périodes de chaleur excessive affectent également la qualité des récoltes, diminuant la valeur nutritionnelle des cultures et augmentant les pertes post-récolte. Face à ces défis, il est indispensable de développer des systèmes agricoles capables de s'adapter aux nouvelles conditions climatiques, par exemple en choisissant des variétés de cultures plus résistantes à la sécheresse et en diversifiant les systèmes de production.
Conséquences du changement climatique sur l'élevage
Les impacts du changement climatique ne se limitent pas aux sols et aux cultures. L’élevage est également affecté par les variations climatiques, notamment par la réduction des pâturages disponibles et la diminution de la qualité nutritionnelle de l’herbe, ce qui force les éleveurs à acheter davantage de fourrage, souvent importé à des prix élevés. Cela fragilise encore davantage la rentabilité des exploitations d’élevage déjà confrontées à des marges réduites. La hausse des températures a également des effets directs sur la santé et la productivité des animaux, augmentant les risques de maladies et diminuant les rendements de production de lait ou de viande.
Les éleveurs doivent désormais investir davantage dans la gestion des abris et des systèmes de refroidissement pour assurer le bien-être animal, ce qui alourdit leurs charges et complique la rentabilité économique de leur activité. Le développement de systèmes de pâturage rationalisés, qui optimisent l'utilisation des ressources en herbe, constitue un levier important pour améliorer la résilience des systèmes d'élevage.
3. Les leviers de transformation du système agricole
Pour répondre à ces défis, plusieurs leviers de transformation sont envisagés. The Shift Project propose une stratégie basée sur la fertilisation sobre et durable, la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), et la décarbonation de l'énergie utilisée dans les exploitations. Voici les principaux axes à retenir :
Optimisation de la fertilisation et stockage de carbone dans les sols
Réduction de l’impact des engrais chimiques
Pour réduire l’impact des engrais chimiques, le rapport recommande une optimisation de l’usage des fertilisants, en favorisant l’azote organique et en évitant le gaspillage. L’objectif est de préserver les stocks de carbone dans les sols et de renforcer les pratiques agroécologiques, telles que l’agroforesterie, afin de mieux capter le carbone atmosphérique. La transition vers des engrais d'origine biologique, tels que le compost ou les lisiers, est également encouragée pour réduire la dépendance aux engrais de synthèse et limiter l'impact environnemental.
En complément, l'utilisation de capteurs connectés et de systèmes d'aide à la décision permet d'ajuster au plus près les doses d'engrais appliquées, réduisant ainsi le gaspillage et les émissions. Ces outils technologiques permettent une agriculture plus précise, respectueuse de l'environnement et économiquement viable.
Agroforesterie et restauration de la biodiversité
L’agroforesterie, qui consiste à intégrer des arbres dans les parcelles agricoles, est mise en avant comme une solution pour restaurer la biodiversité, protéger les sols de l’érosion, et améliorer le stockage de carbone. Par ailleurs, des pratiques telles que les cultures de couverture et la rotation des cultures peuvent aider à améliorer la structure du sol et à maintenir sa fertilité. L’introduction de haies et de bandes enherbées le long des parcelles contribue également à la protection contre l’érosion et à la création d’habitats pour la faune, favorisant ainsi un écosystème agricole plus équilibré et résilient.
L’agroforesterie permet également de diversifier les revenus des agriculteurs, par la production de bois d’œuvre, de fruits, ou de biomasse énergétique. En renforçant la biodiversité et en protégeant les sols, cette pratique apporte une réponse concrète aux défis environnementaux tout en améliorant la viabilité économique des exploitations.
Adoption de nouvelles technologies
L’optimisation de la fertilisation passe également par l’adoption de nouvelles technologies, telles que la gestion de la fertilisation par capteurs et la cartographie des sols. Ces technologies permettent de doser précisément les apports en fonction des besoins des cultures, limitant ainsi le gaspillage et réduisant l’impact environnemental. Le développement de biofertilisants à partir de matières organiques renouvelables est également une piste à explorer pour diminuer l’usage des engrais de synthèse. Ces biofertilisants pourraient être produits à partir des déchets organiques issus de la ferme, assurant une boucle locale de nutriments qui renforce la durabilité de l'exploitation.
Importance des haies et des prairies permanentes
La préservation des haies, l'entretien des prairies permanentes, et la diversification des cultures sont également des pratiques favorisant le stockage du carbone et la résilience des sols. La préservation des haies contribue non seulement à séquestrer le carbone mais aussi à offrir des habitats pour la faune, favorisant ainsi la biodiversité locale. De plus, des prairies permanentes permettent de maintenir une couverture végétale continue, réduisant l’érosion des sols et améliorant la capacité de stockage en eau. Les prairies offrent aussi un cadre idéal pour la biodiversité floristique, qui à son tour attire une faune bénéfique aux cultures.
Les prairies permanentes sont aussi d'excellents puits de carbone, et leur maintien est essentiel pour contribuer à la lutte contre le changement climatique. Elles jouent un rôle important dans la conservation de la faune locale, offrant un habitat pour de nombreuses espèces animales, y compris des pollinisateurs, des oiseaux et des petits mammifères.
Transition des élevages vers des modèles plus durables
Réduction des émissions de GES
Les élevages, responsables d'une part significative des émissions agricoles de GES, doivent se transformer. Il est question d’adopter des pratiques qui réduisent les émissions méthaniques (par exemple, en adaptant l’alimentation des ruminants) tout en préservant la résilience des systèmes élevages face aux aléas climatiques. L'incorporation de plantes telles que les algues dans l'alimentation des bovins a montré des résultats prometteurs en matière de réduction des émissions de méthane.
Des initiatives pour améliorer la gestion des déjections animales, telles que la méthanisation, permettent non seulement de réduire les émissions de GES, mais aussi de produire une source d'énergie renouvelable directement utilisable sur l'exploitation. Cela permet de renforcer l'autonomie énergétique des fermes et de réduire leur empreinte carbone.
Diversification et optimisation des ressources locales
L’alimentation des animaux peut être optimisée en introduisant des additifs réduisant la fermentation entérique, principale source d’émissions de méthane. Par ailleurs, le rapport encourage une diversification des élevages, avec des systèmes intégrant plus étroitement les cycles végétaux et animaux, permettant ainsi une meilleure utilisation des ressources locales. En diversifiant les types d’élevage et en intégrant des cultures spécifiques pour l’alimentation animale, les exploitations peuvent améliorer leur indépendance vis-à-vis des marchés internationaux et renforcer leur résilience face aux crises.
L'intégration des cultures et des élevages favorise une approche circulaire des ressources, où les déjections animales servent d'engrais naturels pour les cultures, réduisant ainsi le besoin en engrais chimiques et fermant les cycles des nutriments au sein de l'exploitation.
Modèles d’élevage durables
Les modèles d’élevage basés sur la réduction des intrants, le pâturage extensif, et l’utilisation de races rustiques plus adaptées aux variations climatiques sont des leviers de transformation. Ces pratiques permettent de diminuer les besoins en fourrage externe et de réduire la dépendance aux marchés internationaux pour l’alimentation animale. La mise en place de systèmes agroécologiques qui associent cultures et élevages contribue également à augmenter la résilience globale des fermes, tout en améliorant la fertilité des sols et la biodiversité. L'élevage extensif, en privilégiant le pâturage et en réduisant les besoins en aliments concentrés, améliore également le bien-être animal.
Les races rustiques, souvent plus résistantes aux maladies et mieux adaptées aux conditions locales, permettent de réduire l'utilisation de médicaments et d'antibiotiques, contribuant ainsi à une production plus saine et durable.
Gestion durable des pâturages
L'introduction de pratiques de gestion durable des pâturages, telles que la rotation des pâturages, peut accroître la régénération des terres et maximiser l'utilisation des ressources fourragères. Les éleveurs peuvent aussi adopter des pratiques favorisant le bien-être animal, ce qui a un impact positif sur la productivité et la qualité des produits, répondant aux attentes des consommateurs pour des produits éthiques et durables. Le pâturage tournant, en particulier, permet une meilleure régénération des prairies et limite la pression sur les ressources, tout en offrant aux animaux un environnement plus naturel.
Des systèmes de pâturage rationalisés, où les animaux sont déplacés régulièrement entre différentes parcelles, permettent de maintenir des prairies en bonne santé, de favoriser la biodiversité, et de maximiser la productivité des pâturages.
Réduction de la demande énergétique
Transition énergétique des machines agricoles
L’un des points clés de la transition agricole est la réduction de la consommation énergétique directe et indirecte des exploitations. Cela passe par une électrification des engins agricoles, l’optimisation de l’usage des matériels et la généralisation des pratiques d’agriculture de conservation des sols. Le rapport préconise l’investissement dans des machines agricoles électriques ou hybrides et l’adoption de solutions de mécanisation plus légères, permettant de limiter la consommation de carburant. En outre, l'utilisation de biocarburants issus de la biomasse locale peut représenter une alternative intéressante pour certaines machines.
L'optimisation de l'usage des machines, par exemple par le biais de la mutualisation entre exploitants, permet également de réduire les coûts énergétiques tout en augmentant l'efficacité des opérations.
Amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments
La transition énergétique des exploitations ne se limite pas aux machines. Il est également question d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments agricoles, en particulier ceux dédiés à l’élevage, souvent gourmands en énergie. L’installation de panneaux solaires sur les toitures des bâtiments agricoles peut contribuer à rendre les exploitations plus autonomes sur le plan énergétique. Le rapport mentionne également le potentiel de la méthanisation agricole pour valoriser les déchets organiques en énergie renouvelable, contribuant à la réduction des émissions de GES et à l’autonomie énergétique. Ces installations peuvent également être couplées à des systèmes de stockage d’énergie, pour garantir un approvisionnement continu même en cas de faible ensoleillement.
Des techniques d'isolation innovantes, combinées à des systèmes de gestion de la ventilation, permettent de maintenir des conditions optimales dans les bâtiments d’élevage tout en réduisant les besoins en chauffage et en refroidissement.
Optimisation des systèmes de chauffage et surveillance
De plus, l'isolation des bâtiments, la mise en place de systèmes de ventilation naturelle, et l'utilisation de technologies de chauffage plus efficientes sont des solutions pour réduire la consommation énergétique. Ces mesures visent à garantir un environnement optimal pour les animaux tout en réduisant les coûts énergétiques pour les éleveurs. L'usage de drones pour surveiller les cultures et optimiser les interventions peut également aider à réduire la consommation de carburant et à améliorer l'efficacité des travaux agricoles. En optimisant chaque aspect énergétique de la ferme, les exploitations peuvent réduire leurs coûts opérationnels tout en minimisant leur empreinte carbone.
Les capteurs connectés permettent aussi de surveiller en temps réel les conditions climatiques dans les bâtiments, assurant un environnement stable tout en optimisant la consommation énergétique.
Circularité des systèmes agricoles
Reconnexion des productions végétales et animales
Pour plus de durabilité, le rapport préconise une circularité accrue au sein des systèmes agricoles. Cela signifie reconnecter productions végétales et animales à l’échelle des exploitations et des territoires, en relocalisant la production des aliments pour animaux et en utilisant les biodéchets pour boucler les cycles biogéochimiques. Cette approche permet non seulement de diminuer les coûts d’intrants mais aussi de valoriser au maximum les ressources internes des exploitations.
La circularité est au cœur des pratiques agroécologiques, et permet de réduire les pertes et de maximiser l'utilisation de chaque ressource. L'intégration des productions végétales et animales réduit les déchets et améliore l'autonomie des exploitations, tout en renforçant la fertilité des sols.
Valorisation des déjections animales
L’intégration des systèmes végétaux et animaux au sein des mêmes exploitations permet de valoriser les déjections animales comme fertilisants naturels, réduisant ainsi le recours aux engrais chimiques. De plus, la gestion des résidus de cultures et des déchets organiques, via des pratiques telles que le compostage et la méthanisation, permet d’enrichir le sol tout en réduisant les déchets. Ces pratiques circulaires sont essentielles pour rendre le système agricole plus résilient et moins dépendant des ressources externes. Les biodéchets peuvent également être transformés en biogaz, une source d’énergie renouvelable pour les besoins de l’exploitation.
La valorisation des déchets organiques par la méthanisation permet non seulement de produire de l'énergie renouvelable, mais aussi de créer un digestat riche en nutriments, qui peut être utilisé pour améliorer la fertilité des sols.
Réintroduction des légumineuses et recyclage
La réintroduction des légumineuses dans les rotations culturales contribue à enrichir les sols en azote de manière naturelle, tout en réduisant la nécessité d'engrais de synthèse. Ces pratiques favorisent non seulement la fertilité des sols, mais améliorent également la biodiversité, en fournissant des habitats pour les insectes pollinisateurs. Le recyclage des eaux usées pour l’irrigation et la valorisation des coproduits agricoles (comme la paille) sont des approches qui soutiennent la circularité et contribuent à la résilience des systèmes agricoles.
L'utilisation de techniques de phytoépuration pour traiter les eaux usées de l'exploitation représente également une piste innovante et durable, permettant de recycler l'eau localement tout en préservant sa qualité. Cette approche garantit une gestion durable des ressources hydriques, particulièrement essentielle dans le contexte du changement climatique.
Conclusion : un impératif d'action
La transformation de l'agriculture française est une priorité si l'on souhaite préserver la sécurité alimentaire tout en atteignant les objectifs de neutralité carbone. Il s'agit d'un projet ambitieux, nécessitant une mobilisation de l'ensemble des acteurs du secteur et une concertation efficace entre agriculteurs, pouvoirs publics et citoyens. L’agriculture doit cesser d’être un facteur aggravant du changement climatique pour devenir une partie essentielle de la solution.
Les agriculteurs sont les premiers touchés par cette mutation nécessaire, et leur engagement est crucial pour assurer une transition harmonieuse. Soutenir ces acteurs, leur apporter des outils et des solutions concrètes est déterminant pour le succès de cette transformation. L’avenir de l’agriculture française dépend de notre capacité collective à envisager une production alimentaire respectueuse de l’environnement, résiliente face aux crises, et économiquement viable.
Une telle transition ne se fera pas sans investissements conséquents et sans une vision politique claire. Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer en soutenant les pratiques durables à travers leurs choix alimentaires.